Informations
Titre en français : Le Pierrot de la minute
Instrumentation (fr) : orchestre
Instrumentation (en) : orchestra
Notice (fr) : Cette œuvre est une Comedy Ouverture d’après une Fantaisie d’Ernest Dowson.

Une clairière, au crépuscule, dans le parc du Petit-Trianon, Pierrot entre, guidé par une voix mystérieuse qui l’a engagé à dormir une nuit dans cette enceinte, pour y rencontrer l’amour. Il se demande, avec un mélange d’appréhension et de drôlerie, pourquoi lui, d’ordinaire insouciant, léger et joyeux, serait animé maintenant d’un désir sincère? Et comme la nuit descend rapidement, il s’étend sur un lit de fougères et s’endort.

À la clarté de la lune, une elfe accourt du Temple de l’Amour, se penche sur le dormeur et l’embrasse. Pierrot se réveille alors et dans un élan de dévotion effréné, se jette au pied de l’elfe. Celle-ci l’écarte et le met en garde contre les baisers de la lune dont la volonté est d’une douceur fatale, car «elle cueille comme une fleur celui qu’elle aspire à elle, et ne donne qu’une heure en échange de toute une vie!»

Sans se soucier de rien, Pierrot veut connaître le bonheur suprême, fut-ce même au prix de sa vie. Avec des rires joyeux et de gais badinages, ils apprennent ensemble l’art d’aimer. Mais voici l’aube, les oiseaux déjà se réveillent, — l’elfe doit partir. Tous deux se regardent fixement aux premiers feux de l’aurore. Pierrot retombe sur sa couche et le doux sommeil s’empare à nouveau de lui, tandis que l’elfe disparaît.

Le prélude s’achève au réveil de Pierrot dont le rêve d’amour n’avait été que l’illusion d’une minute.

Mais de ce commentaire on ne doit pas inférer que le Pierrot de la Minute est une «symphonie à programme». Un de nos correspondants anglais, qui a pu questionner Bantock après l’audition de dimanche dernier, au Queen’s Hall, nous apprend que l’auteur considère cette œuvre comme «une composition de peu d’importance, un simple jeu d’esprit.»

Quoi qu’il en soit, The Pierrot ne ressemble pas plus à une Symphonie que L’Apprenti sorcier de Dukas, avec lequel elle a d’ailleurs quelques ressemblances, surtout à cause des ressources orchestrales mises en jeu et aussi à cause de la volonté qu’elle a d’être avant tout une pièce purement musicale. L’orchestration est très moderne et très fouillée. Le musicien crée une atmosphère et pour ce cela, grand admirateur de Debussy mais nullement plagieur ni imitateur, il profite, avec discrétion, des acquisitions harmoniques modernes. Considéré dans son ensemble, The Pierrot s’annonce comme une sorte de scherzo dont le rythme très net et voilé, avec bonheur, par la texture musicale. Un motif donne son unité à toute la première partie, Pierrot dans le Parc :

[Exemple 1]

Chaque impression (car nous sommes en plein impressionnisme) est indiquée, suggérée avec une délicatesse qui n’insiste pas. Un solo de violon, dans un demi-silence de l’orchestre, chante l’émotion de Pierrot. Mais l’émotion ne dure qu’une seconde. Le compositeur dit lui-même qu’il ne faut pas trop la prendre au sérieux : ce n’est que Pierrot, la Mort de la lune.

L’influence de la musique française moderne se fait sentir cette œuvre, mais sans anéantir toutefois la personnalité anglaise du compositeur.

Granville Bantock est né à Londres, en 1868. Après avoir pris quelques leçons d’harmonie et de contrepoint au Trinity College avec le Dr. Saunders, il entra à l’Académie Royale de musique en 1889 et fut élève de M. F. Corder. Il remporta le prix Macfarren dès la première année et fut ainsi le premier à bénéficier de cette distinction. Alors qu’il était encore étudiant, il fit jouer une Ouverture, une Suite Égyptienne de ballet d’après Rhamsès II, Wulstan, Kaedmar, etc… C’est l’audition de «The Fire-Worshippers» qui décida de la carrière de ce compositeur. De mai 1893 à février 1896, il fut à la tête d’une revue musicale The New Quarterly. Pendant l’hiver 1896, il donna un concert uniquement composé d’œuvres manuscrites de jeunes compositeurs : Allon, Haurley, Hinton, Steggal, Wallace, etc… Bantock fit aussi connaître la musique française moderne au public anglais. C’est ainsi que chef d’orchestre au Théâtre Royal, il fit jouer l’Enfant Prodigue. Il organisa aussi des concerts au «British Music» et joua : Mackenzie, Parry, Standford, Quarter, German, Elgar et Cowen. En 1898, il fonda la New Brighton Choral Society. En 1900, il fit entendre quelques-unes de ses œuvres à Anvers et notamment un poème symphonique Jaganaut destiné à faire partie d’une série de 24 poèmes symphoniques dont les sujets étaient empruntés à Curse of Kehama de Southey. En 1901, M. Bantock dirigea un festival anglais à Anvers. Le goût que montre ce compositeur pour l’orientalisme, le choix de ses sujets, et la forme même de ses compositions, le signalent comme un coloriste distingué qui s’attache à écrire des œuvres finement orchestrées.

[GC2-234]

Rédacteur (fr) : E. F.
Artiste impliqué
Nom Part Fonction Id éditeur Genre
Granville Bantock Compositeur M